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Les spectacles de Messmer devraient être interdits

Un article d'Elodie WEYMEES, paru dans le quotidien La Libre Belgique en avril 2018.

Neuro-psychiatre spécialisé dans l'hypnothérapie depuis près de 34 ans, le docteur Eric Mairlot nous fait découvrir cette pratique qui suscite depuis toujours de la fascination et de la méfiance et qui est pourtant une discipline médicale de plus en plus utilisée et reconnue pour ses succès dans le soulagement de nombreux maux physiques comme psychologiques.

L'hypnose est une discipline qui fascine et fait peur. Son histoire débute en Occident il y a quelque 250 ans avec les travaux et expérience du médecin allemand Franz Anton Mesmer qui prêtent à confusion à l'époque. Peu à peu, des médecins s'y intéressent de près et développent des techniques visant à soulager les malades mais dans le même temps, on voit aussi des spectacles d'hypnotiseurs (et de charlatans) secouer les foires de village... La réputation sulfureuse de l'hypnose est née.

On est bien loin de tout cela maintenant et la réalité du phénomène ne fait aucun doute : des études scientifiques basées sur les techniques d’imagerie médicale ont montré que les connexions entre les différentes régions du cerveau se modifient lorsque l’on est sous hypnose. L'histoire de l'hypnose moderne repose sur les travaux de l'américain Milton Erikson qui a développé une approche souple, indirecte et non dirigiste. Mais la méfiance demeure toujours un peu...

Le docteur Mairlot, neuro-psychiatre s'y consacre depuis près de 34 ans. En Belgique, la loi reconnait l’hypnose comme une technique médicale, mais elle n’encadre pas la pratique de l’hypnose par les non-médecins ni leur formation, donc le meilleur et le pire se côtoyent. Ce spécialiste réputé en Belgique et à l'international a alors décidé il y a quelques années de créer une asbl qui rassemble de nombreux psychologues et psychiatres spécialisés dans l'hypnothérapie, l'Institut de Nouvelle Hypnose. 

Ce spécialiste forme des professionnels (des psychologues, des médecins mais aussi des dentistes ou des infirmiers par exemple); continue de consulter dans son cabinet, anime des ateliers collectifs qui distillent les techniques de l'auto-hypnose pour soulager les maux de notre temps comme le burn out par exemple, les états d'angoisse, les problèmes de sommeil, ou encore comment retrouver de l'énergie, maigrir valablement, arrêter de fumer... "L'hynose peut soulager de très nombreux maux et tout le monde y est sensible", explique le docteur Mairlot en préambule.

Qu'est-ce que l'hypnose ?

Ce n'est en tout cas pas du sommeil ! "L'état hypnotique est un état modifié de la conscience, une forme de concentration en partie consciente, réceptive et intégrée que chacun est capable d’atteindre de manière naturelle". A la différence de la pleine conscience : "On peut dire que la pleine conscience est l'une des formes d'auto-hypnose ; très consciente et uniquement centrée sur le présent, puisqu'elle est une forme de concentration augmentée et entière."

Ce spécialiste en thérapies brèves (axées sur le changement) éprouve toujours autant de plaisir à pratiquer et continue de s'étonner de ce qu'apporte l'hypnose : "L'état hypnotique est en fait un état très créatif. Parfois quand des patients en sortent, ils me racontent des choses extraordinaires. Dans ces cas, le cerveau est dans un état privilégié qui permet de trouver beaucoup plus de solutions à des problèmes. C'est spontané, cela ne passe pas par la réflexion".

Quels sont les maux qui sont soulagés le plus souvent par l'hypnose ?

Le sevrage tabagique d'abord. C'est l'affaire d'une séance individuelle et de 4 séances de groupe. On sait que l'on arrête à la quatrième séance, on sait que si l'on refume une cigarette, on doit tout recommencer, il y a l'effet encourageant du groupe, de solidarité. C'est plus facile de voir les résultat : plus de 70% des personnes qui assistent à ces ateliers ne récidivent plus.

"L'avantage d'avoir recours à l'hypnothérapie, c'est que l'on acquiert des techniques d'auto-hypnose qui permettent d'abord de ne plus fumer et ensuite de contrôler les problèmes de poids qui accompagnent le sevrage dans la plupart des cas et la nervosité", ajoute le Dr Mairlot.

L'hypnothérapie soulage également des troubles anxieux : lorsque l'on se sent stressé, angoissé, on peut éviter le burn-out, soigner les crises d'angoisse, les attaques de panique, les phobies (et les autres troubles émotionnels comme la colère, la tristesse, et le dégoût, ...). En fait, en cas de choc émotionnel, "on va aller stimuler les capacités d'auto-guérison de la blessure émotionnelle pour la cicatriser", c'est d'ailleurs le terme le plus adéquat pour le spécialiste.

Il existe beaucoup de pathologies qui sont des formes d'auto-hypnose négatives :"Il suffit de tourner cela en auto-hypnose positive et l'affaire est résolue". Par exemple, les phobies sont des états d'auto-hypnose négative qui induisent des pensées très négatives produisant une angoisse très forte. La boulimie est aussi une auto-hypnose négative qui est un mécanisme de défense pour se dissocier d'émotions très perturbantes.

L'hypnose peut être une alternative à la psychothérapie pour les personnes qui ont du mal à parler. D'une part, l'hypnose diminue l'inhibition, la timidité et surtout, ils parlent seulement de ce qu'ils veulent. "En fait, on a un objectif et on y va par le trajet le plus court", résume le Dr Mairlot. 

Et Messmer dans tout ça ?

Le "fascinateur" québécois Messmer, star de l'hypnose de spectacle est un phénomène médiatique mondial : en moins de deux secondes, il plonge des volontaires dans des transes hypnotiques et les engage dans des actions spectaculaires. "Je suis allé voir son spectacle lorsqu'il est passé au théâtre Saint-Michel où quelque 1350 personnes étaient rassemblées. Messmer y effectue 3 tests sur l'ensemble de la population présente pour repérer les plus réceptifs à l'hypnose autoritaire. Il y a environ 70 personnes qui y sont très sensibles. Et parmi ces personnes, une cinquantaine monte sur scène, ceux qui ont aussi l'envie débordante de se produire en public, des spectateurs "à caractère exhibitionniste", je dirais. Puis il sélectionne encore 20 personnes pour garder les personnes hyper-obéissantes et somnambules (caractéristique assez rare). Et si l'on regarde bien les à-côtés, ceux qui réagissent le moins parmi ceux-ci sont éclipsés de la scène. C'est très bien manipulé évidemment."

Selon le docteur Mairlot, il s'agit d'une infime partie de la population qui réagit à des injonctions précises et autoritaires. "Et c'est cela qui me gêne le plus car cela discrédite le travail accompli par l'hypnothérapie qui prend tout à fait en compte le patient dans sa globalité de manière douce et non autoritaire".

Pour le spécialiste belge, ce genre de spectacle aussi médiatisé conduit également pas mal de personnes à se dire que l'hypnose ne fonctionnera pas sur eux. "Or, l'hypnothérapie fonctionne pour tout le monde. Simplement, on ne parle pas ici des mêmes choses..."

"Ce genre de spectacles est d’ailleurs interdit par une loi de 1892 en Belgique car ils portent tort à la pratique médicale de l'hypnose, mais les pouvoirs publics ne font rien", conclut-il.

 

Retrouvez ci-dessous un article sur le même sujet ; « faut-il interdire les spectacles d'hypnose ? », rédigé par La Libre Belgique (novembre 2017) :

 

Retrouvez également ci-dessous l’analyse du Dr Éric MAIRLOT :  « Comment MESSMER entretient la peur de l'hypnose » .

Presse écrite